Certainement qu’il n’y aura rien d’exceptionnel à mes propos, mais comme je suis artiste, comme j’aime écrire et comme je suis en confinement, je me suis dit qu’il serait agréable de vous partager une petite fresque de ma vie présente, juste pour le plaisir et juste comme ça.
Donc, par où débuter ? Est-ce que je vais bien ? Oui, en général ça va et c’est justement parce que la création m’accompagne depuis toujours que je ne m’en sors pas si mal, à mon avis. Être artiste, être créateur c’est jouer chaque jour avec l’accident, la surprise et cette grande chose planante qu’est l’incertitude. À la fois source de grande anxiété, mais aussi et il ne faut jamais l’oublier, vecteur de surprises, lorsqu’on sait s’y abandonner. Et je crois que de s’abandonner à l’incertitude, c’est quelque chose qui se muscle chaque jour et il existe tout un tas de formules pour se muscler la facette de dangerosité de l’intérieure.
Pour voir, par curiosité et pour être honnête, parce que je n’avais aucune idée de la suite des choses, je me suis laissée le loisir de vivre l’éclosion d’une quotidienneté naturelle. Quotidienneté qui devient sur certains points, consciente et que je tente de modeler tout à fait légèrement, lui offrant le loisir de me surprendre et de me définir.
Alors, comment suis-je entrée en confinement ?
Pour ma part, l’entrée en confinement s’est fait à travers les routes.
J’arrivais de Boston, où j’étais allé rendre visite à celui qui me bouleverse le cœur et tout le tralala. Là-bas, tranquillement, ça se parlait du virus. Pour moi, ça sonnait encore gros comme quelque chose de loin, de très loin, de loin comme dans les autres pays. Ça ne sortait pas encore des écrans des stations de métro ou des journaux. Quelques jours se sont écoulés où ça remontait, encore là, juste comme un murmure. Jusqu’à ce qu’on ferme les écoles et que je rentre travailler le 15 mars à la librairie. En voyant certains visages graves de mes collègues inquiets et tout ce beau monde perdu face au retour des enfants à la maison, vraiment pas longtemps après la semaine de relâche, je me suis mise à regarder chaque visage comme un potentiel de microbe et chaque livre qu’on manipulait aussi. Je le lavais le comptoir information du deuxième étage de la librairie sur Saint-Denis. Le lendemain matin, je me sentais moyen. Enceinte, inquiète, légèrement fiévreuse, je suis restée à la maison. Et le surlendemain aussi. Je partais pour la Gaspésie le 18. J’hésitais gros comme le ciel à partir. Mais là-bas, au Musée acadien de Bonaventure, m’attendait la possibilité d’une première exposition de type professionnelle, pour laquelle je m’étais arracher l’âme dans les derniers mois. J’ai fait un choix égoïste et stressant. Quitter Montréal, prendre le bus voyageur et changer de région. Dans ce temps-là, c’était encore assez calme. Mais ça commençait à se retourner de tous bords tous côtés.
Comme prévu, je suis allée installer mon exposition avec l’équipe de feu du musée et ma charmante maman. Je crois que c’est ma meilleure exposition. Le matin même de l’accrochage, je n’avais encore aucune idée de ce que ça allait donner. Je voulais y aller au feeling et c’est ce que j’ai fait. Entre les coups de fatigue et les bouffées de chaleur, les échanges sur Legault et la situation, je suis parvenue à entrer en dialogue assez fort pour créer sur place les liens entre mes œuvres et pour offrir une concordance, un équilibre dans la mise en commun de mes œuvres hétéroclites. Parce que créer durant le premier trimestre de grossesse a été d’une violence inouïe pour moi. Je suis contente d’être passé au travers et d’avoir été tout de même assez forte pour poser des gestes créatifs. Je ne pouvais pas passer à côté de ma chance de présenter cette exposition. Pour moi, c’est un rêve qui se réalise. Un rêve, qui pour l’heure, n’a pu être dévoilé que par quelques photos sur les réseaux sociaux. Parce que bien évidemment, personne d’autres que le personnel du musée, ainsi que ma mère et moi n’ont pu profiter de l’exposition. Et pour moi, les œuvres n’existent qu’en dehors de moi et au contact de l’autre. Alors, l’existence de l’exposition reste encore à ce jour inachevée.
Alors me retrouvant en Gaspésie, j’ai attendu l’annonce de la fermeture de la librairie, où je travaille à Montréal, pour prendre ma décision de ne pas reprendre la route avant un moment. Les autobus voyageurs ne desservant plus et les cas augmentant sur l’île de Montréal, je préfère être ici.
Cette fièvre légère que je ressentais depuis le 16 mars m’inquiétais. Alors j’ai dû aller passer le test de dépistage du virus. Fort heureusement, après une suite de journées interminables et l’angoisse que créait cette attente chez les membres de ma famille, j’ai reçu la nouvelle que je n’étais pas porteuse du méchant microbe. Cet état fiévreux est probablement dû à cette séquence d’hormones qui prennent mon corps comme lieu d’exploration. Donc après tout ceci et une répétition d’appels téléphoniques pour ceci et pour cela, j’ai commencé à vivre le confinement.
Déjà, en attente des résultats, je ne pouvais plus bouger. Je devais rester isolé. À cette époque, peu lointaine, mais qui semble déjà être ancienne dans le temps, autour de moi, la crise ça restait flou. En moi, ça revenait comme une étrange sensation. Quotidienneté et puis oh cet étrange effluve de cauchemar. Cette sensation est restée accroché plusieurs jours. À la question, comment je me sens ? je ne savais pas trop quoi répondre. Une sorte de No man’s land dans lequel je me retrouvais par moments.
Mais à travers tout ça, avril s’est amené. Mon mois anniversaire. L’espoir printanier. Oui, oui, même en Gaspésie le printemps fini par se pointer. Même en période de pandémie, le temps fait ce qu’il a à faire, il fait son temps.
Un amoureux de l’autre côté de la frontière. Vivre à nouveau avec mes parents. Gérer mes allergies à ma chatonne que j’aime d’amour et apprendre à vivre de nouveau avec la proximité de la nature ! Allô ! Ha oui et un ventre qui pousse de plus en plus et que j’apprivoise !!!
C’est à partir de là que des choses ont commencées à se passer. En douce. Comme un bon vent. Un vent frette, mais qui met en éveil.
Je sais que pour éviter d’avoir l’impression que les journées nous filent entre les doigts, il faut aller chercher, par fragments, une certaine consistance. Mais je suis une femme qui aime la liberté, qui aime se vivre au naturel et je suis curieuse de voir où les choses me mènent. Quelles qu’elles soient. Alors une routine, pour moi, d’ordinaire, c’est contre nature. Mais quand ça naît de la nature, alors là ça me plait et j’aime ça. Je veux être authentique et ça commence par moi. Alors voilà.
Avec avril arrivait le #napomo challenge, c’est-à-dire le National Poetry Month, auquel je participe depuis quelques années. Je ne sais pas où il a été initié, mais c’est en suivant des ami(e)s et des connaissances sur les réseaux sociaux, que je me suis mise à suivre la ligue.
(Écrire un poème par jour avec le hashtag #napomo)
De devoir écrire un poème chaque jour me motive beaucoup. De lire les autres aussi, lorsque je vois leurs textes naître sous mes yeux lors des défilements virtuels quotidiens.
Écrire, comme toutes formes de création, c’est pour moi une manière de dire <<regarde ! >>. C’est aussi la meilleure manière de remplir ces espaces qui font peur, ces sortes de trous béants, le néant entre les choses. Par exemple, l’incompréhension pour mon être de n’être pas à proximité de l’amoureux. Dans le poème, je crée des ponts qui me relie à lui. Dans le poème, je vis sur tous les fronts, tous mes angles. Il n’existe aucune temporalité ou réalité fixe. Tout est possible ! Et pour le cerveau, pour le cœur, pour l’être, ces possibles s’inscrivent dans le réel, d’une certaine manière. Créer ça donne du sens là où il n’y en a pas. Ça rend réel, ça rend palpable ce qui échappe.
Aussi, en revenant chez mes parents, je me suis retrouvée face à des bibliothèques gorgées de livres accumulés au fil des ans. Depuis des mois que je braille sur mon incapacité à vivre en temps naturel. Je rêvais de silence, de temps à moi, d’espace, de livres à lire et de temps pour écrire. Je voulais vivre ma grossesse aussi. Et là, je me retrouve avec du silence, de l’espace, du temps et beaucoup, beaucoup, beaucoup de livres. Mais comme, une fois de plus, j’aime les cadres, mais ça dépend, je ne voulais pas non plus m’obliger à une manière stricte de gérer mes lectures. Alors j’ai décidé de me laisser lire, de me laisser vivre et ça fonctionne. Si travailler en librairie m’avait rendue anxieuse face à cette quantité de livres à lire, je me rattrape ici tout en douceur en lisant ce qu’on m’a vivement conseillé ou ce qui capte mon attention. Il n’y a pas de cadre à mes lectures, et je sais qu’elles me nourrissent.
La nature ! La nature ! La nature ! Me retrouver à nouveau à proximité d’elle me semble être la chose à vivre. Être enceinte, c’est revêtir ses habits de femme sauvage. Et cette femme-là, elle a une absolue nécessité, d’être en concordance avec la nature. Moi qui avais du mal à ressentir quoi que ce soit dans les derniers mois, je me laisse complètement bouleverser par les spectacles incessants que m’offrent mer et terre et vent et astres. Je sens monter en moi des pulsions créatrices comme je n’en avais pas vécue et reçues depuis très longtemps. Même si je ne réalise pas tous ces projets, le fait simplement d’en être traversé me procurer un sentiment de bien-être qui n’a aucun prix. Merci mer, merci vent, merci lune, merci les oiseaux, merci les couleurs, les sons, le mouvement, merci. Avec la nature, aucune journée ne se répète. Tout est mouvance et grandeur. J’ai l’impression à nouveau de reprendre ma place dans le monde. Place d'où je m’étais égarée.
Les changements définissent qui nous sommes et il faut nous laisser être transformé par ce qui se meut en soi et autour de soi, même si c’est vertigineux.
Je répète souvent ces mots de l’artiste Sylvie Cotton <<Tenter ce qui tente.>> et c’est ce que je fais. Je tente l’amour, je tente la maternité, je tente le risque d’exposer, je tente l’écriture, je tente mon rapport à la nature. Je tente ce qui tente. Et je reste curieuse de tout, absolument tout. Et à travers ça, j’apprends à me connaître.
Il reste une chose dont j’aimerais parler pour le moment, je ne m’éterniserais pas, car j’ai tendance à en parler à toutes les sauces et il s’agit de l’écriture des pages du matin. Un exercice proposé par Julia Cameron dans son livre-bijoux Libérez votre créativité.
L’écriture des pages du matin c’est littéralement ce qui me noue à moi depuis plusieurs années maintenant. C’est chaque jour, une manière de me dire <<je t’aime>> et de me regarder en face. Ce n’est pas de faire du beau, mais c’est de faire de l’espace pour le beau qui se présentera dans la journée. C’est vider la tête de son vieux jus pour se préparer à boire un cocktail de fruits frais. J’espère avoir la chance de poursuivre encore longtemps et en toutes circonstances, cette activité que je chéris.
Ça prend un espace, du silence, un carnet et un crayon. L’important c’est d’écrire. Et de ne surtout pas se censurer. Madame Cameron suggère d’écrire trois pages style cahier Canada. Pour moi, ça varie d’un carnet à un autre. L’important c’est d’écrire. D’écrire et d’être avec soi.
Sur ce,
Bon confinement et soyez courageuses et courageux. Nous marquons présentement l’histoire, la notre et celle d’une époque.
Bisous,
Louba
P.S. C’est super ok de ne pas feeler, de pleurer sans savoir pourquoi, de se frustrer aussi et de s’emporter. Et tout ça, c’est aussi de la belle matière à création, de la grande matière à connaissance de soi.
Donc, par où débuter ? Est-ce que je vais bien ? Oui, en général ça va et c’est justement parce que la création m’accompagne depuis toujours que je ne m’en sors pas si mal, à mon avis. Être artiste, être créateur c’est jouer chaque jour avec l’accident, la surprise et cette grande chose planante qu’est l’incertitude. À la fois source de grande anxiété, mais aussi et il ne faut jamais l’oublier, vecteur de surprises, lorsqu’on sait s’y abandonner. Et je crois que de s’abandonner à l’incertitude, c’est quelque chose qui se muscle chaque jour et il existe tout un tas de formules pour se muscler la facette de dangerosité de l’intérieure.
Pour voir, par curiosité et pour être honnête, parce que je n’avais aucune idée de la suite des choses, je me suis laissée le loisir de vivre l’éclosion d’une quotidienneté naturelle. Quotidienneté qui devient sur certains points, consciente et que je tente de modeler tout à fait légèrement, lui offrant le loisir de me surprendre et de me définir.
Alors, comment suis-je entrée en confinement ?
Pour ma part, l’entrée en confinement s’est fait à travers les routes.
J’arrivais de Boston, où j’étais allé rendre visite à celui qui me bouleverse le cœur et tout le tralala. Là-bas, tranquillement, ça se parlait du virus. Pour moi, ça sonnait encore gros comme quelque chose de loin, de très loin, de loin comme dans les autres pays. Ça ne sortait pas encore des écrans des stations de métro ou des journaux. Quelques jours se sont écoulés où ça remontait, encore là, juste comme un murmure. Jusqu’à ce qu’on ferme les écoles et que je rentre travailler le 15 mars à la librairie. En voyant certains visages graves de mes collègues inquiets et tout ce beau monde perdu face au retour des enfants à la maison, vraiment pas longtemps après la semaine de relâche, je me suis mise à regarder chaque visage comme un potentiel de microbe et chaque livre qu’on manipulait aussi. Je le lavais le comptoir information du deuxième étage de la librairie sur Saint-Denis. Le lendemain matin, je me sentais moyen. Enceinte, inquiète, légèrement fiévreuse, je suis restée à la maison. Et le surlendemain aussi. Je partais pour la Gaspésie le 18. J’hésitais gros comme le ciel à partir. Mais là-bas, au Musée acadien de Bonaventure, m’attendait la possibilité d’une première exposition de type professionnelle, pour laquelle je m’étais arracher l’âme dans les derniers mois. J’ai fait un choix égoïste et stressant. Quitter Montréal, prendre le bus voyageur et changer de région. Dans ce temps-là, c’était encore assez calme. Mais ça commençait à se retourner de tous bords tous côtés.
Comme prévu, je suis allée installer mon exposition avec l’équipe de feu du musée et ma charmante maman. Je crois que c’est ma meilleure exposition. Le matin même de l’accrochage, je n’avais encore aucune idée de ce que ça allait donner. Je voulais y aller au feeling et c’est ce que j’ai fait. Entre les coups de fatigue et les bouffées de chaleur, les échanges sur Legault et la situation, je suis parvenue à entrer en dialogue assez fort pour créer sur place les liens entre mes œuvres et pour offrir une concordance, un équilibre dans la mise en commun de mes œuvres hétéroclites. Parce que créer durant le premier trimestre de grossesse a été d’une violence inouïe pour moi. Je suis contente d’être passé au travers et d’avoir été tout de même assez forte pour poser des gestes créatifs. Je ne pouvais pas passer à côté de ma chance de présenter cette exposition. Pour moi, c’est un rêve qui se réalise. Un rêve, qui pour l’heure, n’a pu être dévoilé que par quelques photos sur les réseaux sociaux. Parce que bien évidemment, personne d’autres que le personnel du musée, ainsi que ma mère et moi n’ont pu profiter de l’exposition. Et pour moi, les œuvres n’existent qu’en dehors de moi et au contact de l’autre. Alors, l’existence de l’exposition reste encore à ce jour inachevée.
Alors me retrouvant en Gaspésie, j’ai attendu l’annonce de la fermeture de la librairie, où je travaille à Montréal, pour prendre ma décision de ne pas reprendre la route avant un moment. Les autobus voyageurs ne desservant plus et les cas augmentant sur l’île de Montréal, je préfère être ici.
Cette fièvre légère que je ressentais depuis le 16 mars m’inquiétais. Alors j’ai dû aller passer le test de dépistage du virus. Fort heureusement, après une suite de journées interminables et l’angoisse que créait cette attente chez les membres de ma famille, j’ai reçu la nouvelle que je n’étais pas porteuse du méchant microbe. Cet état fiévreux est probablement dû à cette séquence d’hormones qui prennent mon corps comme lieu d’exploration. Donc après tout ceci et une répétition d’appels téléphoniques pour ceci et pour cela, j’ai commencé à vivre le confinement.
Déjà, en attente des résultats, je ne pouvais plus bouger. Je devais rester isolé. À cette époque, peu lointaine, mais qui semble déjà être ancienne dans le temps, autour de moi, la crise ça restait flou. En moi, ça revenait comme une étrange sensation. Quotidienneté et puis oh cet étrange effluve de cauchemar. Cette sensation est restée accroché plusieurs jours. À la question, comment je me sens ? je ne savais pas trop quoi répondre. Une sorte de No man’s land dans lequel je me retrouvais par moments.
Mais à travers tout ça, avril s’est amené. Mon mois anniversaire. L’espoir printanier. Oui, oui, même en Gaspésie le printemps fini par se pointer. Même en période de pandémie, le temps fait ce qu’il a à faire, il fait son temps.
Un amoureux de l’autre côté de la frontière. Vivre à nouveau avec mes parents. Gérer mes allergies à ma chatonne que j’aime d’amour et apprendre à vivre de nouveau avec la proximité de la nature ! Allô ! Ha oui et un ventre qui pousse de plus en plus et que j’apprivoise !!!
C’est à partir de là que des choses ont commencées à se passer. En douce. Comme un bon vent. Un vent frette, mais qui met en éveil.
Je sais que pour éviter d’avoir l’impression que les journées nous filent entre les doigts, il faut aller chercher, par fragments, une certaine consistance. Mais je suis une femme qui aime la liberté, qui aime se vivre au naturel et je suis curieuse de voir où les choses me mènent. Quelles qu’elles soient. Alors une routine, pour moi, d’ordinaire, c’est contre nature. Mais quand ça naît de la nature, alors là ça me plait et j’aime ça. Je veux être authentique et ça commence par moi. Alors voilà.
Avec avril arrivait le #napomo challenge, c’est-à-dire le National Poetry Month, auquel je participe depuis quelques années. Je ne sais pas où il a été initié, mais c’est en suivant des ami(e)s et des connaissances sur les réseaux sociaux, que je me suis mise à suivre la ligue.
(Écrire un poème par jour avec le hashtag #napomo)
De devoir écrire un poème chaque jour me motive beaucoup. De lire les autres aussi, lorsque je vois leurs textes naître sous mes yeux lors des défilements virtuels quotidiens.
Écrire, comme toutes formes de création, c’est pour moi une manière de dire <<regarde ! >>. C’est aussi la meilleure manière de remplir ces espaces qui font peur, ces sortes de trous béants, le néant entre les choses. Par exemple, l’incompréhension pour mon être de n’être pas à proximité de l’amoureux. Dans le poème, je crée des ponts qui me relie à lui. Dans le poème, je vis sur tous les fronts, tous mes angles. Il n’existe aucune temporalité ou réalité fixe. Tout est possible ! Et pour le cerveau, pour le cœur, pour l’être, ces possibles s’inscrivent dans le réel, d’une certaine manière. Créer ça donne du sens là où il n’y en a pas. Ça rend réel, ça rend palpable ce qui échappe.
Aussi, en revenant chez mes parents, je me suis retrouvée face à des bibliothèques gorgées de livres accumulés au fil des ans. Depuis des mois que je braille sur mon incapacité à vivre en temps naturel. Je rêvais de silence, de temps à moi, d’espace, de livres à lire et de temps pour écrire. Je voulais vivre ma grossesse aussi. Et là, je me retrouve avec du silence, de l’espace, du temps et beaucoup, beaucoup, beaucoup de livres. Mais comme, une fois de plus, j’aime les cadres, mais ça dépend, je ne voulais pas non plus m’obliger à une manière stricte de gérer mes lectures. Alors j’ai décidé de me laisser lire, de me laisser vivre et ça fonctionne. Si travailler en librairie m’avait rendue anxieuse face à cette quantité de livres à lire, je me rattrape ici tout en douceur en lisant ce qu’on m’a vivement conseillé ou ce qui capte mon attention. Il n’y a pas de cadre à mes lectures, et je sais qu’elles me nourrissent.
La nature ! La nature ! La nature ! Me retrouver à nouveau à proximité d’elle me semble être la chose à vivre. Être enceinte, c’est revêtir ses habits de femme sauvage. Et cette femme-là, elle a une absolue nécessité, d’être en concordance avec la nature. Moi qui avais du mal à ressentir quoi que ce soit dans les derniers mois, je me laisse complètement bouleverser par les spectacles incessants que m’offrent mer et terre et vent et astres. Je sens monter en moi des pulsions créatrices comme je n’en avais pas vécue et reçues depuis très longtemps. Même si je ne réalise pas tous ces projets, le fait simplement d’en être traversé me procurer un sentiment de bien-être qui n’a aucun prix. Merci mer, merci vent, merci lune, merci les oiseaux, merci les couleurs, les sons, le mouvement, merci. Avec la nature, aucune journée ne se répète. Tout est mouvance et grandeur. J’ai l’impression à nouveau de reprendre ma place dans le monde. Place d'où je m’étais égarée.
Les changements définissent qui nous sommes et il faut nous laisser être transformé par ce qui se meut en soi et autour de soi, même si c’est vertigineux.
Je répète souvent ces mots de l’artiste Sylvie Cotton <<Tenter ce qui tente.>> et c’est ce que je fais. Je tente l’amour, je tente la maternité, je tente le risque d’exposer, je tente l’écriture, je tente mon rapport à la nature. Je tente ce qui tente. Et je reste curieuse de tout, absolument tout. Et à travers ça, j’apprends à me connaître.
Il reste une chose dont j’aimerais parler pour le moment, je ne m’éterniserais pas, car j’ai tendance à en parler à toutes les sauces et il s’agit de l’écriture des pages du matin. Un exercice proposé par Julia Cameron dans son livre-bijoux Libérez votre créativité.
L’écriture des pages du matin c’est littéralement ce qui me noue à moi depuis plusieurs années maintenant. C’est chaque jour, une manière de me dire <<je t’aime>> et de me regarder en face. Ce n’est pas de faire du beau, mais c’est de faire de l’espace pour le beau qui se présentera dans la journée. C’est vider la tête de son vieux jus pour se préparer à boire un cocktail de fruits frais. J’espère avoir la chance de poursuivre encore longtemps et en toutes circonstances, cette activité que je chéris.
Ça prend un espace, du silence, un carnet et un crayon. L’important c’est d’écrire. Et de ne surtout pas se censurer. Madame Cameron suggère d’écrire trois pages style cahier Canada. Pour moi, ça varie d’un carnet à un autre. L’important c’est d’écrire. D’écrire et d’être avec soi.
Sur ce,
Bon confinement et soyez courageuses et courageux. Nous marquons présentement l’histoire, la notre et celle d’une époque.
Bisous,
Louba
P.S. C’est super ok de ne pas feeler, de pleurer sans savoir pourquoi, de se frustrer aussi et de s’emporter. Et tout ça, c’est aussi de la belle matière à création, de la grande matière à connaissance de soi.