Aujourd’hui, je vais mieux. Dans le sens où ça n’hurle pas trop fort dans ma tête. Le corps lui, s’endort. Souffle un peu. Devant le soleil, me demande pause, repos. Je me réveille de plus en plus tôt. Je perçois les étapes d’une restructuration du ciel chaque matin.
Aujourd’hui, je vais mieux. Mais j’ai encore besoin de dire que je m’absente. Que j’ai besoin d’espace pour me reprendre, non pas où je me suis laissé, mais à l’endroit où je vais me retrouver.
Ce matin, j’écoutais, en audio, sur France Culture, une émission consacrée à Virginia Woolf et à son essai féministe Une chambre (ou un lieu) à soi. Depuis hier, depuis avant-hier, j’ai repris la route vers l’écriture de mon roman (comme s’il n’y avait qu’une seule histoire pour me suivre toute ma vie). Et je me questionne, au fil des journées, des périodes d’écriture et celles de latence, sur ce qui est nécessaire pour rendre possible l’écriture. Ce qui est ultime et primordial pour moi, ce qui me fait écrire, ce qui me rend possible dans l’écriture. Et ces réponses, elles me sont apparues au long fil des années, de ces années où j’ai osé faire place à ma langue intime, à cette curiosité née du désir d’écrire et de partager par les mots et les images.
Et oui, j’ose, sans être légitimée par l’édition ou par les voies universitaires, parler de l’écriture, de mon écriture. Puisqu’il s’agit de ma manière de communiquer, comme les matières plastiques (les arts visuels) et même la danse (sans en faire une vie, le vivre intensément lorsque se présente le moment).
Tout débute avec le désir. Cette pulsion créatrice. Ce besoin unique et viscéral de s’offrir à un projet, comme on s’offre à un amour, comme on s’abandonne à la mer, comme on ose devenir maman et comme on marche dans sa vie heure après heure.
Un soir (mais en réalité, ça provient de la nuit des temps de soi, seulement on ne le saisit pas à si grande échelle), dans ma chambre chez mes parents, un agréable engourdissement après avoir fumé un peu de mari, j’ouvre un carnet et je note des idées. Je pars de moi, je transforme déjà. Ce que je sais, je suis prête à cet échange, je suis prête à entamer un projet d’écriture de plus grande envergure.
Puis ma vie se déplie complètement pour faire de l’espace au projet. Comme si dès que j’y avais mis les pieds, dès que j’avais fait signe que oui, j’étais prête et toute la vie se mettait en branle dans le même sens.
Une chambre. Cette chambre.
Ce que je n’avais pas encore remarqué, c’est la présence de ce silence. De cette solitude. Ce raccord particulier entre moi et moi. Entre le <<je>> existant de corps et d’esprit et l’autre, celui qui capte le monde sous tous ses angles, ses sonorités, ses époques et ses possibles. Ce silence, qui permet l’écoute de cette musique particulière qui se tend et travaille à se rendre et à s’entendre.
Donc le silence d’une chambre. La chambre d’un silence.
Pendant plusieurs mois, c’est dans une cabane que j’ai écrit, avec vue sur les montagnes de Percé. Chaque jour, à la même heure, je me rendais et me cloisonnais en ces lieux pour écrire, écrire, écrire et observer le déploiement du monde devant et autour de moi, dans les changements de saisons, le va et vient des oiseaux, le son de mon être qui germe et les voix des personnages qui me montrent les directions à prendre en me faisant découvrir les lieux de leur histoire.
Une cabane à moi.
Comme pour mon personnage.
Une cabane où devenir ou faire advenir.
Une cabane, un silence, une chambre à moi.
Puis une maison. Une petite maison jaune avec vue sur l’Île-Bonaventure et le Rocher Percé. Écrire, écrire et écrire. Tenter de réparer les souffrances anciennes et présentes, non qu’elles aient un rapport avec l’acte d’écrire, mais plutôt avec l’être qui se construit à travers l’acte d’écrire. Écrire, souffrir, écrire. Ne pas savoir comment affronter 1-la solitude, 2-le silence.
Selon Virginia, deux facteurs restent nécessaires à l’éclosion d’une autrice et de ses idées écrites :
1- une pièce, où se retrouver seule et calme loin du danger des désagréments futiles (?!) et où permettre l’éclosion de l’art,
2- et de l’argent, puisqu’il faut bien vivre de quelque chose et que la réalité est économique (nous nous le rappelons fort bien en cette période de crise et d’incertitudes empilées comme de vieilles pierres effritées).
J’avais donc un lieu à moi et de l’argent. Mais pas ce calme intérieur qui permet l’écoute du silence. J’usais de rêves pour endormir les risques de chutes liées aux peurs et aux incompréhensions. J’usais de rêves pour paver à la brume opaque qui régissait ma vie, mes cinq sens et les autres encore.
Un lieu et un trouble du silence. De l’argent et un trouble de la solitude. J’y ai survécu. J’ai quand même écrit. Et chaque période d’écriture prenait des allures de bains de sang symboliques. Aoutch ! Bains de sang invisibles. Qui, inversement, trouvaient leur douceur dans le fait d’avoir écrit. D’être parvenue à extirper quelque chose du brouillard rugueux et rouge.
Un lieu, de l’argent, un silence et une solitude tueur et tueuse. Se tourner vers l’autre monde, celui des rêves, celui de l’inconscience, m’en nourrir, en abuser, me retirer doucement du monde, m’abandonner au monde au-delà du monde. Trouver une relique du vrai dans les étoiles la nuit, dans les vagues à 16h, dans le soleil du petit matin. Autrement, me déserter.
Puis la collocation et la fuite dans la capitale, un appartement emprunté. Je ne sais ni écrire, ni vivre cette solitude anxieuse. Je préfère retourner chez moi. Chez moi, il y a les autres et leur chaos, mais il y a aussi la mer qui m’est devenue essentielle et le champ derrière la maison qui m’écoute en poésie, me rassure dans son étendu tranquille.
Et cette autre cabane, encore plus enracinée dans la montagne, entourée de forêt. Maison, chalet veillant mon corps et tout Percé. Papotant monts et mer. Cette maison, comme un amoureux qui enveloppe. Cette maison comme la suite de mon corps. Une seule construction sous le clair de lune. Elle et moi, moi et elle. C’est là que je décide de faire éclater les abcès. Si je ne le fais jamais, jamais je ne parviendrais à dépasser les choses de la vie qui bloquent la fiction. Fiction qui part de ma participation active au monde.
C’est là que j’acquiesce à la poésie. Je cherche à libérer le langage, à dépasser les portes closes, à escalader le mur, à ne pas tomber de celui-ci trop abîmé. Ça ressemble à mon processus en peinture. Désapprendre ce que j’ai acquis pour joindre l’essence de ce que je ne connais pas encore, mais que je sens vriller à l’intérieur de moi.
J’écris, j’écris. Surtout, je joue et je cris. Je m’amuse avec les mots et je pleure. Je marche et je rejoins la mer, puis je trace des lignes entre la plage et la forêt. Je me fais cueilleuse de pierres et de mots.
Si je me suis fait observatrice du mouvement, de l’imperceptible vitalité d’un lieu, d’une vie, aujourd’hui, j’apprends à y prendre part.
Dans ma vie Montréalaise, deux vies. D’abord le volcan gronde et ne s’interrompe qu’en cas de chute - car, sachant désormais me dresser devant le mur, mur que je sais nommer, je n’ai pas encore appris comment ne pas tomber, alors j’apprends à la dure. D’explosion en explosion. J’ai le rouge qui fait des vagues dans les veines, le rouge qui me pique les joues, me pointe les possibles. J’entre dans le mouvement ininterrompu et perceptible de la grande ville comme une enfant dans un monde clair et net et précis pour la première fois, l’opacité du monde a laissé place à la transparence. Poésie, images. Dessins, photographies. Poésie. Poésie. En mouvement. Écriture en marche. Il y a tant et tant d’évènements. J’avale les images, les formes, les couleurs, les sensations, les parfums, je retranscrits. Je suis un canal traversé par les mots, les vers éclatés, les figures de style, le besoin d’être témoin. J’écris. J’écris. Je capte. Je retranscris.
Puis une solitude qui s’apprend. Le silence autrement. Les paysages défilent sur les visages des gens, des centaines et des centaines de paysages à visiter. À observer. Dont il faut percer le mystère, souvent de loin, sans se faire remarquer. Parfois de près, pour sentir qu’on a encore une peau, un pouvoir du beau.
Une chambre, une ville. Une table dans un café, la solitude. Le silence qu’il faut. Une solitude qui se détend. Un silence qui se respire.
Je comprends que cette chambre en soi, cette pièce en moi, ce lieu, se trouve trouve à l’intérieur de moi justement et que mon écriture se réalise en mouvement. Aussi ce que je remarque, c’est qu’il me faut être disponible. Je peux être submergée par une émotion, n’importe laquelle, agréable ou douloureuse et puiser dans celle-ci pour écrire, mais je ne peux pas être préoccupée, avoir l’esprit excédé par quelques pensées ou projets extérieurs que ce soit. Pour que viennent et montent les mots, il me faut fermer la porte de ma chambre intérieure pour que personne, ni rien ne vienne déranger le flux créateur de la pensée littéraire.
Sur France Culture, toujours dans l’épisode consacré à Woolf, on cite l’autrice lorsque celle-ci se décrit comme une écrivaine spongieuse, c’est-à-dire qu’elle se laisse facilement déranger et traverser par le mouvement extérieur et qu’il lui faut, pour travailler, cet espace clos où faire pleinement jaillir sa pensée en continue et celles de ses personnages.
Pour ma part, je dois dire que oui, je me considère aussi comme une écrivaine spongieuse, mais en même temps, j’aime à jouer avec ce va et vient, j’aime me laisser bouleverser. Je sens que je perds souvent beaucoup de temps à retrouver l’équilibre entre deux bourrasques, mais souvent j’utilise ces mêmes bourrasques pour créer des images ou pour trouver une idée.
C’est pourquoi j’aime écrire en marchant, en mouvement. Je traîne dans ma tête, cette pièce où être seule avec ma création et en même temps, le monde continue de se dérouler autour et en moi.
J’ai aussi besoin de la nature et de ses éléments pour trouver l’énergie nécessaire à la construction des murs invisibles qui créent ma chambre intérieure. Je me tourne vers les arbres, les oiseaux, un regard, un espace, une fleur, une marée montante ou je me laisse traverser par un grand vent et saisie, je trouve immédiatement la route de ma chambre. Je sais que tout ça tient sur un fil, mais voilà un fil vivant que j’apprends à reconnaître et vers lequel je me tourne de plus en plus. Je vais à sa rencontre. De là, naît une écriture plus vive, plus près de mon souffle.
Et toi, quel type de créateur es-tu ? Es-tu plutôt du type espace clos ou du type création en mouvement, peu importe l’heure et l’endroit ?
Aujourd’hui, je vais mieux. Mais j’ai encore besoin de dire que je m’absente. Que j’ai besoin d’espace pour me reprendre, non pas où je me suis laissé, mais à l’endroit où je vais me retrouver.
Ce matin, j’écoutais, en audio, sur France Culture, une émission consacrée à Virginia Woolf et à son essai féministe Une chambre (ou un lieu) à soi. Depuis hier, depuis avant-hier, j’ai repris la route vers l’écriture de mon roman (comme s’il n’y avait qu’une seule histoire pour me suivre toute ma vie). Et je me questionne, au fil des journées, des périodes d’écriture et celles de latence, sur ce qui est nécessaire pour rendre possible l’écriture. Ce qui est ultime et primordial pour moi, ce qui me fait écrire, ce qui me rend possible dans l’écriture. Et ces réponses, elles me sont apparues au long fil des années, de ces années où j’ai osé faire place à ma langue intime, à cette curiosité née du désir d’écrire et de partager par les mots et les images.
Et oui, j’ose, sans être légitimée par l’édition ou par les voies universitaires, parler de l’écriture, de mon écriture. Puisqu’il s’agit de ma manière de communiquer, comme les matières plastiques (les arts visuels) et même la danse (sans en faire une vie, le vivre intensément lorsque se présente le moment).
Tout débute avec le désir. Cette pulsion créatrice. Ce besoin unique et viscéral de s’offrir à un projet, comme on s’offre à un amour, comme on s’abandonne à la mer, comme on ose devenir maman et comme on marche dans sa vie heure après heure.
Un soir (mais en réalité, ça provient de la nuit des temps de soi, seulement on ne le saisit pas à si grande échelle), dans ma chambre chez mes parents, un agréable engourdissement après avoir fumé un peu de mari, j’ouvre un carnet et je note des idées. Je pars de moi, je transforme déjà. Ce que je sais, je suis prête à cet échange, je suis prête à entamer un projet d’écriture de plus grande envergure.
Puis ma vie se déplie complètement pour faire de l’espace au projet. Comme si dès que j’y avais mis les pieds, dès que j’avais fait signe que oui, j’étais prête et toute la vie se mettait en branle dans le même sens.
Une chambre. Cette chambre.
Ce que je n’avais pas encore remarqué, c’est la présence de ce silence. De cette solitude. Ce raccord particulier entre moi et moi. Entre le <<je>> existant de corps et d’esprit et l’autre, celui qui capte le monde sous tous ses angles, ses sonorités, ses époques et ses possibles. Ce silence, qui permet l’écoute de cette musique particulière qui se tend et travaille à se rendre et à s’entendre.
Donc le silence d’une chambre. La chambre d’un silence.
Pendant plusieurs mois, c’est dans une cabane que j’ai écrit, avec vue sur les montagnes de Percé. Chaque jour, à la même heure, je me rendais et me cloisonnais en ces lieux pour écrire, écrire, écrire et observer le déploiement du monde devant et autour de moi, dans les changements de saisons, le va et vient des oiseaux, le son de mon être qui germe et les voix des personnages qui me montrent les directions à prendre en me faisant découvrir les lieux de leur histoire.
Une cabane à moi.
Comme pour mon personnage.
Une cabane où devenir ou faire advenir.
Une cabane, un silence, une chambre à moi.
Puis une maison. Une petite maison jaune avec vue sur l’Île-Bonaventure et le Rocher Percé. Écrire, écrire et écrire. Tenter de réparer les souffrances anciennes et présentes, non qu’elles aient un rapport avec l’acte d’écrire, mais plutôt avec l’être qui se construit à travers l’acte d’écrire. Écrire, souffrir, écrire. Ne pas savoir comment affronter 1-la solitude, 2-le silence.
Selon Virginia, deux facteurs restent nécessaires à l’éclosion d’une autrice et de ses idées écrites :
1- une pièce, où se retrouver seule et calme loin du danger des désagréments futiles (?!) et où permettre l’éclosion de l’art,
2- et de l’argent, puisqu’il faut bien vivre de quelque chose et que la réalité est économique (nous nous le rappelons fort bien en cette période de crise et d’incertitudes empilées comme de vieilles pierres effritées).
J’avais donc un lieu à moi et de l’argent. Mais pas ce calme intérieur qui permet l’écoute du silence. J’usais de rêves pour endormir les risques de chutes liées aux peurs et aux incompréhensions. J’usais de rêves pour paver à la brume opaque qui régissait ma vie, mes cinq sens et les autres encore.
Un lieu et un trouble du silence. De l’argent et un trouble de la solitude. J’y ai survécu. J’ai quand même écrit. Et chaque période d’écriture prenait des allures de bains de sang symboliques. Aoutch ! Bains de sang invisibles. Qui, inversement, trouvaient leur douceur dans le fait d’avoir écrit. D’être parvenue à extirper quelque chose du brouillard rugueux et rouge.
Un lieu, de l’argent, un silence et une solitude tueur et tueuse. Se tourner vers l’autre monde, celui des rêves, celui de l’inconscience, m’en nourrir, en abuser, me retirer doucement du monde, m’abandonner au monde au-delà du monde. Trouver une relique du vrai dans les étoiles la nuit, dans les vagues à 16h, dans le soleil du petit matin. Autrement, me déserter.
Puis la collocation et la fuite dans la capitale, un appartement emprunté. Je ne sais ni écrire, ni vivre cette solitude anxieuse. Je préfère retourner chez moi. Chez moi, il y a les autres et leur chaos, mais il y a aussi la mer qui m’est devenue essentielle et le champ derrière la maison qui m’écoute en poésie, me rassure dans son étendu tranquille.
Et cette autre cabane, encore plus enracinée dans la montagne, entourée de forêt. Maison, chalet veillant mon corps et tout Percé. Papotant monts et mer. Cette maison, comme un amoureux qui enveloppe. Cette maison comme la suite de mon corps. Une seule construction sous le clair de lune. Elle et moi, moi et elle. C’est là que je décide de faire éclater les abcès. Si je ne le fais jamais, jamais je ne parviendrais à dépasser les choses de la vie qui bloquent la fiction. Fiction qui part de ma participation active au monde.
C’est là que j’acquiesce à la poésie. Je cherche à libérer le langage, à dépasser les portes closes, à escalader le mur, à ne pas tomber de celui-ci trop abîmé. Ça ressemble à mon processus en peinture. Désapprendre ce que j’ai acquis pour joindre l’essence de ce que je ne connais pas encore, mais que je sens vriller à l’intérieur de moi.
J’écris, j’écris. Surtout, je joue et je cris. Je m’amuse avec les mots et je pleure. Je marche et je rejoins la mer, puis je trace des lignes entre la plage et la forêt. Je me fais cueilleuse de pierres et de mots.
Si je me suis fait observatrice du mouvement, de l’imperceptible vitalité d’un lieu, d’une vie, aujourd’hui, j’apprends à y prendre part.
Dans ma vie Montréalaise, deux vies. D’abord le volcan gronde et ne s’interrompe qu’en cas de chute - car, sachant désormais me dresser devant le mur, mur que je sais nommer, je n’ai pas encore appris comment ne pas tomber, alors j’apprends à la dure. D’explosion en explosion. J’ai le rouge qui fait des vagues dans les veines, le rouge qui me pique les joues, me pointe les possibles. J’entre dans le mouvement ininterrompu et perceptible de la grande ville comme une enfant dans un monde clair et net et précis pour la première fois, l’opacité du monde a laissé place à la transparence. Poésie, images. Dessins, photographies. Poésie. Poésie. En mouvement. Écriture en marche. Il y a tant et tant d’évènements. J’avale les images, les formes, les couleurs, les sensations, les parfums, je retranscrits. Je suis un canal traversé par les mots, les vers éclatés, les figures de style, le besoin d’être témoin. J’écris. J’écris. Je capte. Je retranscris.
Puis une solitude qui s’apprend. Le silence autrement. Les paysages défilent sur les visages des gens, des centaines et des centaines de paysages à visiter. À observer. Dont il faut percer le mystère, souvent de loin, sans se faire remarquer. Parfois de près, pour sentir qu’on a encore une peau, un pouvoir du beau.
Une chambre, une ville. Une table dans un café, la solitude. Le silence qu’il faut. Une solitude qui se détend. Un silence qui se respire.
Je comprends que cette chambre en soi, cette pièce en moi, ce lieu, se trouve trouve à l’intérieur de moi justement et que mon écriture se réalise en mouvement. Aussi ce que je remarque, c’est qu’il me faut être disponible. Je peux être submergée par une émotion, n’importe laquelle, agréable ou douloureuse et puiser dans celle-ci pour écrire, mais je ne peux pas être préoccupée, avoir l’esprit excédé par quelques pensées ou projets extérieurs que ce soit. Pour que viennent et montent les mots, il me faut fermer la porte de ma chambre intérieure pour que personne, ni rien ne vienne déranger le flux créateur de la pensée littéraire.
Sur France Culture, toujours dans l’épisode consacré à Woolf, on cite l’autrice lorsque celle-ci se décrit comme une écrivaine spongieuse, c’est-à-dire qu’elle se laisse facilement déranger et traverser par le mouvement extérieur et qu’il lui faut, pour travailler, cet espace clos où faire pleinement jaillir sa pensée en continue et celles de ses personnages.
Pour ma part, je dois dire que oui, je me considère aussi comme une écrivaine spongieuse, mais en même temps, j’aime à jouer avec ce va et vient, j’aime me laisser bouleverser. Je sens que je perds souvent beaucoup de temps à retrouver l’équilibre entre deux bourrasques, mais souvent j’utilise ces mêmes bourrasques pour créer des images ou pour trouver une idée.
C’est pourquoi j’aime écrire en marchant, en mouvement. Je traîne dans ma tête, cette pièce où être seule avec ma création et en même temps, le monde continue de se dérouler autour et en moi.
J’ai aussi besoin de la nature et de ses éléments pour trouver l’énergie nécessaire à la construction des murs invisibles qui créent ma chambre intérieure. Je me tourne vers les arbres, les oiseaux, un regard, un espace, une fleur, une marée montante ou je me laisse traverser par un grand vent et saisie, je trouve immédiatement la route de ma chambre. Je sais que tout ça tient sur un fil, mais voilà un fil vivant que j’apprends à reconnaître et vers lequel je me tourne de plus en plus. Je vais à sa rencontre. De là, naît une écriture plus vive, plus près de mon souffle.
Et toi, quel type de créateur es-tu ? Es-tu plutôt du type espace clos ou du type création en mouvement, peu importe l’heure et l’endroit ?