Allô, je prends une pause.
Je tente de.
De prendre une pause.
Mon corps me dit de plusieurs manières, allô, peux-tu t’arrêter un peu ? Peux-tu relaxer ? Repose-toi donc s’il te plaît. Aurais-tu oublié que tu es activement en création d’un autre être humain ? Que tu partages ton corps et toute ton énergie à cette création, à l’élaboration vivante de cette œuvre d’art ?
Allô, allô, je te demanderai de t’arrêter un peu. Juste le temps de souffler, juste le temps de prendre le temps. De vivre les coups de pieds, les caresses du dedans, les retournements de tous les côtés de l’être qui glisse contre les parois de ton corps. Tu sais, oui, le temps coule. Mais le printemps n’est qu’en préparation. Tu as encore le temps. Et puis le Québec, l’Amérique, le monde terrestre se repose encore. Prends le temps. Laisse-toi bercer par la mer. Laisse-toi endormir par le vent. Écoutes encore ton chat ronronner. Ta fatigue, accueilles la. Prends ton temps. Prends tout ton temps. Tu vis ce qui ne se répète pas. Ce qui n’a lieu qu’une seule fois. Un levé de soleil. Une pleine lune. Un coup de pied. Un chat qui miaule. Une vie aux allures incertaines, violentes, fleurissantes. Une vie de questionnements, d’amour à distance, de forte portée poétique. Une vie entre mer et sous-bois. Aucune des heures, des journées, des semaines écoulées ne reviendront. Prends donc ton temps, tout ton temps, pour goûter chaque pas, vivre chaque respiration, veiller chaque larme. Prends le temps de reprendre tes forces, de refaire ton plein d’énergie, de contempler tes courbes, de déguster des fruits. Prends le temps. De vivre tes parents, de perdre ton temps, d’avoir mal à certains endroits. Prends le temps d’avoir le droit. Les idées ça va, ça vient, ça vol. Si quelques-unes se perdent, d’autres se pointent. Il y a toujours ce va et vient.
Les idées c’est vivant. Ça ne se perd pas. Ça se remplace ou ça se transforme.
Après plusieurs semaines de confinement à tenter, sans vouloir me mettre de pression, mais active néanmoins dans une vie/époque/société qui demande un minimum de rendement, j’en suis arrivée à un certain état d’épuisement physique, moins moral cette fois. D’une part, la peur de ne pas en faire suffisamment - ne pas travailler, vouloir occuper son temps avec intelligence et créativité. D’une autre part, du jour au lendemain, recevoir tout cet espace-temps, en plus de ce jaillissement d’idées de projets. Mais ne pas savoir dire stop une fois de temps en temps, parce que pourquoi ? Parce que la passion. Parce que ne pas trop savoir quoi faire de ne rien faire ? Ça marche comment quand on ne fait rien ? Puis voir le corps changer, le sommeil bousculé, les maux s’accentuer, le système immunitaire perdre en énergie. Se dire, peut-être devrais-je me reposer ? Ne pas tomber dans la honte de ne pas suivre tous ces défis que je me lance. Ne pas être présente à tout. Oser faire la sieste quand le corps le demande. Entendre et écouter le corps. Et puis, au lieu d’une culpabilité de future mère, prendre le temps de vivre ces mouvements de l’enfant en composition. Engager un dialogue de langage en mouvements. Allô, allô, je suis là, je ne t’ignores pas. Je te sens. Et toi, sens-tu la pression de mes mains et de mes doigts au-delà de la peau. Entends-tu ma voix, celle de papa et ces musiques environnantes que je te partage ?
Apprendre à ne rien faire.
Et en quoi ça consiste ne rien faire ?
Hier, j’ai sommeillé dans le soleil. J’ai lu un peu. Puis j’ai visionné une série légère sur Netflix. J’ai écrit à mon amoureux. Chialé un peu. Cuisiné.
Ne rien faire consiste-t-il à :
Ne faire que des choses éphémères qui ne marqueront pas le temps ?
Ne créer que du non-sens, ou alors un sens si intime qu’il n’entre pas dans le réel social ?
Ne rien tenter pour favoriser la croissance économique ?
Vivre sans trace ?
En me détachant, une fois de temps en temps de cette course qui m’est imposée et que je m’impose, cette course exposée, cette course à mes désirs <<futurs>>, est-ce que j’apprends à ne rien faire ? Ou suis-je en train de faire, mais seulement sans témoin pour confirmer la chose ?
Présentement, j’écris.
Depuis deux jours, je n’ai pas écrit mes pages du matin. Je décide plus ou moins consciemment de briser le rythme, pour m’octroyer le droit au repos, à une non discipline.
Mais j’écris. Présentement, mes pensées. Parce que celles-ci s’imposent à moi. Elles montent naturellement. Et oui, j’écris en toute conscience d’un désir de partage. Humain. De différentes manières, humain.
Peut-être pour me donner ce droit. Voir que je ne suis pas seule. Avoir besoin d’être acceptée, qu’on me confirme ce droit au repos. Qu’on me confirme ce droit à la lenteur. Parce que, même ici, je vis trop vite. Je vis de l’éclair. Et au lieu de briller, je m’atterre et me terre.
Je nomme les restes, ceux qui continuent de suivre, d’un combat livré jour après jour, depuis la nuit de mon temps.
Est-ce que je souhaite inculquer ça à mon enfant ? À cet être qui modèlera en partie son être sur mon essence ? Je veux plutôt lui apprendre à respirer et à entendre, à être fidèle, le plus possible à cette voix qui vacille en lui, en elle. Je veux aider la forge de l’écoute. La forge du regard. La forge de la caresse. Voilà ce que je veux.
Et pour l’inculquer, je dois l’apprendre.
Et hier et encore aujourd’hui et peut-être demain aussi, j’apprends à prendre congé.
Je tente de.
De prendre une pause.
Mon corps me dit de plusieurs manières, allô, peux-tu t’arrêter un peu ? Peux-tu relaxer ? Repose-toi donc s’il te plaît. Aurais-tu oublié que tu es activement en création d’un autre être humain ? Que tu partages ton corps et toute ton énergie à cette création, à l’élaboration vivante de cette œuvre d’art ?
Allô, allô, je te demanderai de t’arrêter un peu. Juste le temps de souffler, juste le temps de prendre le temps. De vivre les coups de pieds, les caresses du dedans, les retournements de tous les côtés de l’être qui glisse contre les parois de ton corps. Tu sais, oui, le temps coule. Mais le printemps n’est qu’en préparation. Tu as encore le temps. Et puis le Québec, l’Amérique, le monde terrestre se repose encore. Prends le temps. Laisse-toi bercer par la mer. Laisse-toi endormir par le vent. Écoutes encore ton chat ronronner. Ta fatigue, accueilles la. Prends ton temps. Prends tout ton temps. Tu vis ce qui ne se répète pas. Ce qui n’a lieu qu’une seule fois. Un levé de soleil. Une pleine lune. Un coup de pied. Un chat qui miaule. Une vie aux allures incertaines, violentes, fleurissantes. Une vie de questionnements, d’amour à distance, de forte portée poétique. Une vie entre mer et sous-bois. Aucune des heures, des journées, des semaines écoulées ne reviendront. Prends donc ton temps, tout ton temps, pour goûter chaque pas, vivre chaque respiration, veiller chaque larme. Prends le temps de reprendre tes forces, de refaire ton plein d’énergie, de contempler tes courbes, de déguster des fruits. Prends le temps. De vivre tes parents, de perdre ton temps, d’avoir mal à certains endroits. Prends le temps d’avoir le droit. Les idées ça va, ça vient, ça vol. Si quelques-unes se perdent, d’autres se pointent. Il y a toujours ce va et vient.
Les idées c’est vivant. Ça ne se perd pas. Ça se remplace ou ça se transforme.
Après plusieurs semaines de confinement à tenter, sans vouloir me mettre de pression, mais active néanmoins dans une vie/époque/société qui demande un minimum de rendement, j’en suis arrivée à un certain état d’épuisement physique, moins moral cette fois. D’une part, la peur de ne pas en faire suffisamment - ne pas travailler, vouloir occuper son temps avec intelligence et créativité. D’une autre part, du jour au lendemain, recevoir tout cet espace-temps, en plus de ce jaillissement d’idées de projets. Mais ne pas savoir dire stop une fois de temps en temps, parce que pourquoi ? Parce que la passion. Parce que ne pas trop savoir quoi faire de ne rien faire ? Ça marche comment quand on ne fait rien ? Puis voir le corps changer, le sommeil bousculé, les maux s’accentuer, le système immunitaire perdre en énergie. Se dire, peut-être devrais-je me reposer ? Ne pas tomber dans la honte de ne pas suivre tous ces défis que je me lance. Ne pas être présente à tout. Oser faire la sieste quand le corps le demande. Entendre et écouter le corps. Et puis, au lieu d’une culpabilité de future mère, prendre le temps de vivre ces mouvements de l’enfant en composition. Engager un dialogue de langage en mouvements. Allô, allô, je suis là, je ne t’ignores pas. Je te sens. Et toi, sens-tu la pression de mes mains et de mes doigts au-delà de la peau. Entends-tu ma voix, celle de papa et ces musiques environnantes que je te partage ?
Apprendre à ne rien faire.
Et en quoi ça consiste ne rien faire ?
Hier, j’ai sommeillé dans le soleil. J’ai lu un peu. Puis j’ai visionné une série légère sur Netflix. J’ai écrit à mon amoureux. Chialé un peu. Cuisiné.
Ne rien faire consiste-t-il à :
Ne faire que des choses éphémères qui ne marqueront pas le temps ?
Ne créer que du non-sens, ou alors un sens si intime qu’il n’entre pas dans le réel social ?
Ne rien tenter pour favoriser la croissance économique ?
Vivre sans trace ?
En me détachant, une fois de temps en temps de cette course qui m’est imposée et que je m’impose, cette course exposée, cette course à mes désirs <<futurs>>, est-ce que j’apprends à ne rien faire ? Ou suis-je en train de faire, mais seulement sans témoin pour confirmer la chose ?
Présentement, j’écris.
Depuis deux jours, je n’ai pas écrit mes pages du matin. Je décide plus ou moins consciemment de briser le rythme, pour m’octroyer le droit au repos, à une non discipline.
Mais j’écris. Présentement, mes pensées. Parce que celles-ci s’imposent à moi. Elles montent naturellement. Et oui, j’écris en toute conscience d’un désir de partage. Humain. De différentes manières, humain.
Peut-être pour me donner ce droit. Voir que je ne suis pas seule. Avoir besoin d’être acceptée, qu’on me confirme ce droit au repos. Qu’on me confirme ce droit à la lenteur. Parce que, même ici, je vis trop vite. Je vis de l’éclair. Et au lieu de briller, je m’atterre et me terre.
Je nomme les restes, ceux qui continuent de suivre, d’un combat livré jour après jour, depuis la nuit de mon temps.
Est-ce que je souhaite inculquer ça à mon enfant ? À cet être qui modèlera en partie son être sur mon essence ? Je veux plutôt lui apprendre à respirer et à entendre, à être fidèle, le plus possible à cette voix qui vacille en lui, en elle. Je veux aider la forge de l’écoute. La forge du regard. La forge de la caresse. Voilà ce que je veux.
Et pour l’inculquer, je dois l’apprendre.
Et hier et encore aujourd’hui et peut-être demain aussi, j’apprends à prendre congé.