Il y a un peu plus d’une semaine, j’ai débuté une recherche in-situ autour d’une installation extérieure réalisée en majeure partie avec des éléments naturels cueillis sur les lieux, aux alentours et lors de mes promenades journalières en bordure de mer.
L’expérience qui se fera éphémère, reste en cours jusqu’à ce que j’en sente la fin, de la même manière qu’un tableau ou un poème se termine à un certain moment. Ce que j’aime du travail présent, de la création présente c’est qu’elle permet de jouer avec le hasard, l’accident comme j’aime l’appeler. Elle permet une immense liberté, tant dans ma manière de l’aborder que dans celle d’exister.
Voici donc la genèse de l’expérience en cours.
Je me souviens, c’était il y a un peu plus d’une année, j’étais sortie danser sur la pelouse, derrière la maison de mes parents. C’était le soir, c’était la nuit, je portais un manteau de laine, je portais les cheveux courts (comme aujourd’hui et même un peu plus courts) et je dansais sous le spotlight, écouteurs aux oreilles.
Je ne sais pas pourquoi, mais est arrivé un moment où j’ai été très attirée par un arbre. Un arbre qui m’avait vu grandir bien plus que je n’avais porté attention à sa manière de pousser. Une épinette noire, tout à fait anodine, si on la compare à d’autres arbres. C’est dans ces eaux-là que j’ai commencé, consciemment, à prendre conscience des arbres, de leur unicité, de leur existence sensible et de leur valeur en tant qu’être vivant.
Je me suis approché de l’arbre et il me semble que nous avons parlé. Moi avec mes mots, cette voix dans ma tête dirigée vers lui et lui par une sorte d’énergie très puissante au contact de mes mains sur son écorce, de ma joue. Le souvenir reste flou, mais je sais que ce moment marque le début de notre amitié.
Lorsque je vivais à Montréal, j’ai croisé beaucoup d’arbres. Je les cherchais pour connecter avec cette part sauvage et nécessaire de moi. Je les cherchais comme je cherchais les oiseaux, les écureuils, les fleurs, les coins de pelouse, les nuages, la grande ourse, la lune et le soleil. Le premier arbre rencontré avec lequel j’ai tissé un lien grandit dans la forêt autochtone du Jardin Botanique. D’ailleurs, même si je ne suis pas retourné le voir depuis près d’une année, je pense à lui souvent. Une photo trône sur mon bureau de lit, où il apparaît. Son existence seule m’apaise. Je me souviens une fois, c’était un jour de tempête, vers la fin de l’hiver 2019, je me suis arrêtée pour le regarder lors d’une promenade au jardin et tout d’un coup, un grand vent a traversé le conifère. La neige soufflée ressemblait à des paillettes. C’était magique, c’était magnifique. Des larmes roulaient sur mes joues. Un homme, un vieil homme, un touriste français s’est approché de moi pour regarder dans la même direction que moi, me demandant qu’est-ce que je regardais. Je lui ai répondu que c’était tout simplement sublime cette neige et ce vent qui la souffle, traversant les cimes des conifères. Il m’a répondu qu’il croyait que j’avais vu un orignal dans l’arbre !
Pour le reste, je me souviens avoir enlacé plusieurs arbres plantés sur l’île de Montréal. Et chaque caresse reste vive et pleine dans mes souvenirs.
Depuis mon retour très précipité en Gaspésie, pour cause de pandémie, j’ai dû réhabiliter certaines notions, dont le rythme et ce rapport d’indépendance nécessaire et même vitale à la nature. La nature me remontre ma place, m’apprend sur moi plus que quiconque, plus que n’importe quoi. Donc, j’ai fait un pas et un autre pas timide vers celle-ci, que ce soit du côté de la mer ou du côté du sous-bois.
Plusieurs jours sont passés où je me disais que je devais aller rendre visite à mon ami arbre. La neige fondait, fondait, le chemin se traçait entre lui et moi. Et un jour, je suis sortie et je suis allée à sa rencontre. J’ai collé mon front et mon ventre plein de l’enfant à venir contre l’arbre et nous avons respiré tous les trois.
Quelques temps plus-tard, je cumulais les trésors ramenés de la grève et m’est venue l’idée d’aller rendre hommage à l’arbre. De créer autour de lui. De ritualiser notre amitié. Lors de l’installation de mon exposition <<Îles>> au Musée acadien du Québec à Bonaventure, j’ai touché à l’installation, comme forme d’art, et il me semblait naturel de poursuivre la recherche et l’exploration artistique et poétique visuelle en ce sens.
Alors j’ai commencé à transporter des objets vers l’arbre et à les déposer au pied de son tronc. Avec un simple geste, comme si j’ouvrais le dialogue, comme si encore je lui demandais sa permission, la permission de l'approcher, en déposant une pierre blanche. Puis j’y suis retournée avec des coquillages et des branches de sapins et d’épinettes trouvées sur ma route. Au fil des jours, j’ai découvert de la mousse verte qui pousse sur les branches des conifères, matériel absolument magnifique de par sa couleur et sa texture. J’ai aussi trouvé différentes grosseurs de cocottes - différentes grosseurs pour différentes espèces de conifères. Tranquillement, je m’intéresse et cherche à nommer les éléments. J'observe leur transformation, leur mise en contact. Je veux nommer avec les vrais noms, les vrais mots. Alors chaque jour, je me rends vers le lieu et sans préméditation ou presque je pose des gestes. Comme lorsque je crée un tableau ou un poème, je laisse le geste porté par lui-même créer des connexions.
Pendant plusieurs jours, je n’ai pas su ce que je créais. J’y allais de l’inconscience, tirée par ma curiosité, moteur par excellence pour la vie et la création.
Mais un jour, après avoir débuté l’installation des volumes par les cordes, l’aspect aérien, les murs en transparence, j’ai compris que j’étais en train de me fabriquer un nid. Ne suis-je pas animale, ne suis-je pas future mère, ne suis-je pas dans une vie nomade, transitoire entre ici et là, dans une vie incertaine (déjà et peut-être encore plus ?! présentement) ? Alors comme une femme oiseau, une renarde, une ourse, une femme simplement, je prépare le nid. Dans l’autre vie, celle de l’<<ordinaire>> rien n’est encore physiquement ou matériellement mis en place pour l’arrivée future du bébé. Mais pour moi, tout passe par l’inconscience, par une route poétique, narrative, autre. Par l’histoire, par la suite des choses et nécessairement par la création.
Alors je prépare le nid.
J’ai décidé d’appeler l’installation Le corps nu (que l’on habille d’un nid).
J’ai décidé de partager la suite des choses sur ma page professionnelle Facebook et ici, sur mon site internet, parce que je mélange l’intime au virtuel.
Alors, je ferais suivre photographies, vidéos, images et textes (poèmes et réflexions) jusqu’à la terminaison du projet.
Libres à vous de me suivre dans mes découvertes et transformations.
L’expérience qui se fera éphémère, reste en cours jusqu’à ce que j’en sente la fin, de la même manière qu’un tableau ou un poème se termine à un certain moment. Ce que j’aime du travail présent, de la création présente c’est qu’elle permet de jouer avec le hasard, l’accident comme j’aime l’appeler. Elle permet une immense liberté, tant dans ma manière de l’aborder que dans celle d’exister.
Voici donc la genèse de l’expérience en cours.
Je me souviens, c’était il y a un peu plus d’une année, j’étais sortie danser sur la pelouse, derrière la maison de mes parents. C’était le soir, c’était la nuit, je portais un manteau de laine, je portais les cheveux courts (comme aujourd’hui et même un peu plus courts) et je dansais sous le spotlight, écouteurs aux oreilles.
Je ne sais pas pourquoi, mais est arrivé un moment où j’ai été très attirée par un arbre. Un arbre qui m’avait vu grandir bien plus que je n’avais porté attention à sa manière de pousser. Une épinette noire, tout à fait anodine, si on la compare à d’autres arbres. C’est dans ces eaux-là que j’ai commencé, consciemment, à prendre conscience des arbres, de leur unicité, de leur existence sensible et de leur valeur en tant qu’être vivant.
Je me suis approché de l’arbre et il me semble que nous avons parlé. Moi avec mes mots, cette voix dans ma tête dirigée vers lui et lui par une sorte d’énergie très puissante au contact de mes mains sur son écorce, de ma joue. Le souvenir reste flou, mais je sais que ce moment marque le début de notre amitié.
Lorsque je vivais à Montréal, j’ai croisé beaucoup d’arbres. Je les cherchais pour connecter avec cette part sauvage et nécessaire de moi. Je les cherchais comme je cherchais les oiseaux, les écureuils, les fleurs, les coins de pelouse, les nuages, la grande ourse, la lune et le soleil. Le premier arbre rencontré avec lequel j’ai tissé un lien grandit dans la forêt autochtone du Jardin Botanique. D’ailleurs, même si je ne suis pas retourné le voir depuis près d’une année, je pense à lui souvent. Une photo trône sur mon bureau de lit, où il apparaît. Son existence seule m’apaise. Je me souviens une fois, c’était un jour de tempête, vers la fin de l’hiver 2019, je me suis arrêtée pour le regarder lors d’une promenade au jardin et tout d’un coup, un grand vent a traversé le conifère. La neige soufflée ressemblait à des paillettes. C’était magique, c’était magnifique. Des larmes roulaient sur mes joues. Un homme, un vieil homme, un touriste français s’est approché de moi pour regarder dans la même direction que moi, me demandant qu’est-ce que je regardais. Je lui ai répondu que c’était tout simplement sublime cette neige et ce vent qui la souffle, traversant les cimes des conifères. Il m’a répondu qu’il croyait que j’avais vu un orignal dans l’arbre !
Pour le reste, je me souviens avoir enlacé plusieurs arbres plantés sur l’île de Montréal. Et chaque caresse reste vive et pleine dans mes souvenirs.
Depuis mon retour très précipité en Gaspésie, pour cause de pandémie, j’ai dû réhabiliter certaines notions, dont le rythme et ce rapport d’indépendance nécessaire et même vitale à la nature. La nature me remontre ma place, m’apprend sur moi plus que quiconque, plus que n’importe quoi. Donc, j’ai fait un pas et un autre pas timide vers celle-ci, que ce soit du côté de la mer ou du côté du sous-bois.
Plusieurs jours sont passés où je me disais que je devais aller rendre visite à mon ami arbre. La neige fondait, fondait, le chemin se traçait entre lui et moi. Et un jour, je suis sortie et je suis allée à sa rencontre. J’ai collé mon front et mon ventre plein de l’enfant à venir contre l’arbre et nous avons respiré tous les trois.
Quelques temps plus-tard, je cumulais les trésors ramenés de la grève et m’est venue l’idée d’aller rendre hommage à l’arbre. De créer autour de lui. De ritualiser notre amitié. Lors de l’installation de mon exposition <<Îles>> au Musée acadien du Québec à Bonaventure, j’ai touché à l’installation, comme forme d’art, et il me semblait naturel de poursuivre la recherche et l’exploration artistique et poétique visuelle en ce sens.
Alors j’ai commencé à transporter des objets vers l’arbre et à les déposer au pied de son tronc. Avec un simple geste, comme si j’ouvrais le dialogue, comme si encore je lui demandais sa permission, la permission de l'approcher, en déposant une pierre blanche. Puis j’y suis retournée avec des coquillages et des branches de sapins et d’épinettes trouvées sur ma route. Au fil des jours, j’ai découvert de la mousse verte qui pousse sur les branches des conifères, matériel absolument magnifique de par sa couleur et sa texture. J’ai aussi trouvé différentes grosseurs de cocottes - différentes grosseurs pour différentes espèces de conifères. Tranquillement, je m’intéresse et cherche à nommer les éléments. J'observe leur transformation, leur mise en contact. Je veux nommer avec les vrais noms, les vrais mots. Alors chaque jour, je me rends vers le lieu et sans préméditation ou presque je pose des gestes. Comme lorsque je crée un tableau ou un poème, je laisse le geste porté par lui-même créer des connexions.
Pendant plusieurs jours, je n’ai pas su ce que je créais. J’y allais de l’inconscience, tirée par ma curiosité, moteur par excellence pour la vie et la création.
Mais un jour, après avoir débuté l’installation des volumes par les cordes, l’aspect aérien, les murs en transparence, j’ai compris que j’étais en train de me fabriquer un nid. Ne suis-je pas animale, ne suis-je pas future mère, ne suis-je pas dans une vie nomade, transitoire entre ici et là, dans une vie incertaine (déjà et peut-être encore plus ?! présentement) ? Alors comme une femme oiseau, une renarde, une ourse, une femme simplement, je prépare le nid. Dans l’autre vie, celle de l’<<ordinaire>> rien n’est encore physiquement ou matériellement mis en place pour l’arrivée future du bébé. Mais pour moi, tout passe par l’inconscience, par une route poétique, narrative, autre. Par l’histoire, par la suite des choses et nécessairement par la création.
Alors je prépare le nid.
J’ai décidé d’appeler l’installation Le corps nu (que l’on habille d’un nid).
J’ai décidé de partager la suite des choses sur ma page professionnelle Facebook et ici, sur mon site internet, parce que je mélange l’intime au virtuel.
Alors, je ferais suivre photographies, vidéos, images et textes (poèmes et réflexions) jusqu’à la terminaison du projet.
Libres à vous de me suivre dans mes découvertes et transformations.