Ça fait quelques temps que je n’ai rien dit. Dans les derniers jours, j’ai hurlé à l’émerveillement dans un texte sur la baleine prise au Vieux-Port de Montréal. J’ai terminé le documentaire Netflix sur Jeffrey Epstein. J’ai rêvé souvent à Trump, jusqu’à avoir l’image de son visage imprégnée sur la rétine. Je dis <<rêvé>>, mais disons qu’il devient en quelque sorte l’illustration d’une certaine anxiété ambiante. J’ai parcouru beaucoup de carrés noirs sur les réseaux sociaux en hommage à George Floyd, mais aussi pour dire <<je suis solidaire>>, contre le racisme qui reste ambiant et l’oppression du pouvoir (policier, gouvernemental et autres). Et il y a des jours où le monde actuel, celui sous le joug du virus, vient teinter le monde d’une légère morosité. Surtout quand tu es enceinte et que ton amoureux habite de l’autre côté des frontières Canada-États-Unis et que tout ton stock tient encore sur le plancher de ta chambre, dans ton appartement d’Hochelaga (parce que tu as quitté Montréal sans l’avoir prévu, sans avoir pu dire bye, sans que rien ne soit prêt !). J’ai dormi presque deux journées complètes, me réveillant aujourd’hui un peu plus légère (enfin) et ayant doucement retrouvé mes forces.
Il y a de ces périodes, où même l’acte créateur ne comble pas. Où on ne dirait pas non à d’autres belles journées lumineuses et chaudes pour se garder vivants dans l’ambiance estivale, où on cherche à oublier, se laissant choir dans le désir (impossible) que tout se règle tout seul pendant qu’on traverse le monde des rêves accompagné de sa complice féline ronronnante. On la regarde et on se dit : je voudrais une vie aussi simple que la sienne. Si elle l’ose, puis-je l’oser moi aussi ? Alors on se repose des lourdeurs, on découpe et raccommode certaines idées, certaines sensations, on traverse les déserts des émotions, les orages, les marées. Puis on se relève. On se relève encore. Avec le désir de manger, de se laver. Avec le désir de remette encore une fois sur papier la liste des choses à accomplir, maintenant et dans la vie plus large. Passer son permis parce qu’on devient mère, c’est peut-être le temps (et puis vivre en Gaspésie, même juste pour un temps, ça prend un permis comme qu’on dit !). Penser à se stabiliser un peu, avec un enfant, c’est peut-être une bonne idée. Finir d’écrire ce roman qui traîne en tête et qui traîne encore depuis, quoi, 5-6 ans ?! 2014-> 2020. L’écrire comme il vient, mais l’écrire. Aller acheter de l’encre pour l’imprimante même si ça coûte un bras. Essayer des robes. Photographier encore son ventre, parce qu’un corps de femme enceinte, parce que ton, mon corps de femme enceinte. Quelque chose d’éphémère, mais d’incroyablement présent et perturbant aussi. Le rapport au corps qui change du tout au tout. L’exhiber ou le garder pour soi ? Je me disais que j’allais, contre toutes attentes, être généreuse de la bedaine. Mais ma bedaine, je la garde pour moi, deux mètres de distance obligent.
Ce matin, pendant que mes parents allaient préparer leur roulotte (une nouvelle aventure pour eux), je suis allée rencontrer la mer. Elle m’attendait, la plage vierge d’autres humains, les vagues crachant sur le rivage. En approchant l’entrée de la plage, je remarque aussitôt un bateau rouge de pêcheur de homards sous les rayons du soleil transperçant les nuages lourds et gris. Dans les airs, dans une certaine circonférence, l’espace est envahi par des dizaines de fous de Bassan affamés et hurlants. Le spectacle, tout est sujet à spectacle, se déroule rapidement, mais prend en beauté encore et encore sous mon regard.
Je me suis assise et j’ai fait face à la beauté une fois de plus. Il me semble que lorsque je me retrouve ainsi, quelque part soumise à la nature qui s’agite et se crée, je me sens lavée de toute pesanteur. J’ai soudainement l’impression de devenir :
1- un enfant qui découvre un nouveau monde
2- une exploratrice
3- une femme qui entre dans une nouvelle exposition au musée
4- un animal sauvage et curieux
5- une poétesse
6- une vague
7- un oiseau
Je deviens multiple et en même temps, j’entre en moi, comme en mon X. La nature est souvent, très souvent, ce qui me ramène à ma source interne, remet en fonction la boussole, bouscule le compteur, repart la machine qui se pensait brisée (qui, peut-être l’a été, mais qui maintenant, se relève capable de marcher sur ses ecchymoses, ses cicatrices).
Alors tout en moi se tait pour entendre. Puis de nouveau, comme nettoyé, comme abreuvé, la poésie se remet en marche, au contact de ce qui se meut, comme un désir de communion, de dialogue. Je parle vagues, je parle chacune des vagues. Je parle pierres et vent. Je parle oiseaux marins. Je parle vers de mer qui essouffle sa vie. Je parle sel et sable. Je parle arbres et poissons morts. Je parle nuages et montagnes à l’horizon. Je parle tout ça et je m’habite, comme j’habite le monde qui m’entoure et me traverse.
Revenir en terrain quotidien, confronté au monde dit <<réel>>, dit <<obligé>>, on ressent les tiraillements ici et là encore. Mais ils se reposent plus vite, plus facilement, parce qu’on a encore la respiration accordée à celle de la nature. On sent encore le bouillonnement tranquille sous la terre de nos os frémir devant l’immensité, face à l’infini.
Il y a de ces périodes, où même l’acte créateur ne comble pas. Où on ne dirait pas non à d’autres belles journées lumineuses et chaudes pour se garder vivants dans l’ambiance estivale, où on cherche à oublier, se laissant choir dans le désir (impossible) que tout se règle tout seul pendant qu’on traverse le monde des rêves accompagné de sa complice féline ronronnante. On la regarde et on se dit : je voudrais une vie aussi simple que la sienne. Si elle l’ose, puis-je l’oser moi aussi ? Alors on se repose des lourdeurs, on découpe et raccommode certaines idées, certaines sensations, on traverse les déserts des émotions, les orages, les marées. Puis on se relève. On se relève encore. Avec le désir de manger, de se laver. Avec le désir de remette encore une fois sur papier la liste des choses à accomplir, maintenant et dans la vie plus large. Passer son permis parce qu’on devient mère, c’est peut-être le temps (et puis vivre en Gaspésie, même juste pour un temps, ça prend un permis comme qu’on dit !). Penser à se stabiliser un peu, avec un enfant, c’est peut-être une bonne idée. Finir d’écrire ce roman qui traîne en tête et qui traîne encore depuis, quoi, 5-6 ans ?! 2014-> 2020. L’écrire comme il vient, mais l’écrire. Aller acheter de l’encre pour l’imprimante même si ça coûte un bras. Essayer des robes. Photographier encore son ventre, parce qu’un corps de femme enceinte, parce que ton, mon corps de femme enceinte. Quelque chose d’éphémère, mais d’incroyablement présent et perturbant aussi. Le rapport au corps qui change du tout au tout. L’exhiber ou le garder pour soi ? Je me disais que j’allais, contre toutes attentes, être généreuse de la bedaine. Mais ma bedaine, je la garde pour moi, deux mètres de distance obligent.
Ce matin, pendant que mes parents allaient préparer leur roulotte (une nouvelle aventure pour eux), je suis allée rencontrer la mer. Elle m’attendait, la plage vierge d’autres humains, les vagues crachant sur le rivage. En approchant l’entrée de la plage, je remarque aussitôt un bateau rouge de pêcheur de homards sous les rayons du soleil transperçant les nuages lourds et gris. Dans les airs, dans une certaine circonférence, l’espace est envahi par des dizaines de fous de Bassan affamés et hurlants. Le spectacle, tout est sujet à spectacle, se déroule rapidement, mais prend en beauté encore et encore sous mon regard.
Je me suis assise et j’ai fait face à la beauté une fois de plus. Il me semble que lorsque je me retrouve ainsi, quelque part soumise à la nature qui s’agite et se crée, je me sens lavée de toute pesanteur. J’ai soudainement l’impression de devenir :
1- un enfant qui découvre un nouveau monde
2- une exploratrice
3- une femme qui entre dans une nouvelle exposition au musée
4- un animal sauvage et curieux
5- une poétesse
6- une vague
7- un oiseau
Je deviens multiple et en même temps, j’entre en moi, comme en mon X. La nature est souvent, très souvent, ce qui me ramène à ma source interne, remet en fonction la boussole, bouscule le compteur, repart la machine qui se pensait brisée (qui, peut-être l’a été, mais qui maintenant, se relève capable de marcher sur ses ecchymoses, ses cicatrices).
Alors tout en moi se tait pour entendre. Puis de nouveau, comme nettoyé, comme abreuvé, la poésie se remet en marche, au contact de ce qui se meut, comme un désir de communion, de dialogue. Je parle vagues, je parle chacune des vagues. Je parle pierres et vent. Je parle oiseaux marins. Je parle vers de mer qui essouffle sa vie. Je parle sel et sable. Je parle arbres et poissons morts. Je parle nuages et montagnes à l’horizon. Je parle tout ça et je m’habite, comme j’habite le monde qui m’entoure et me traverse.
Revenir en terrain quotidien, confronté au monde dit <<réel>>, dit <<obligé>>, on ressent les tiraillements ici et là encore. Mais ils se reposent plus vite, plus facilement, parce qu’on a encore la respiration accordée à celle de la nature. On sent encore le bouillonnement tranquille sous la terre de nos os frémir devant l’immensité, face à l’infini.