Hier, la jeune baleine a été retrouvée morte, échouée près de Varennes. Le niveau de l’eau devenant, de ce que j’ai compris, trop bas à cet endroit. (Elle aurait finalement été percuté par un bateau.)
Une autre vie. Une autre fin.
J’ai envie de lui rendre hommage, de sortir des zones sécuritaires de mon journal personnel, en y allant de ce que je ressens, suivant le courant de ma conscience.
Lorsque sur les réseaux sociaux, j’ai lu que tu avais quitté Montréal, je me suis dit :<<voilà, elle retrouve sa route, elle rebrousse le chemin de sa mémoire. Elle remonte le cours de l’histoire, comme le font les saumons lorsque vient le temps des amours ou les fous de bassan quand ils se renouent à l’Île Bonaventure. >> Pour me convaincre, je me suis aussi dit :<< qu’était remonté, en surface, comme une douce intuition, la route vers les tiens (leurs regards, leurs chants posés sur toi), la route vers la maison.>> Et si tu avais suivi ces bancs de poissons (peut-être aussi égarés que toi), délicieuse nourriture, dépassant les kilomètres avec vigueur et appétit, comme cette envolée de fous de bassan, il y a quelques semaines, virevoltant au-dessus de la baie Saint-Hubert près de chez moi. Une première ici aussi. Et cette fin abrupte pour deux d’entre eux, à voler si bas, si près des Hommes, on rencontre le métal des camions de transport.
Comme un bateau qui rencontre un glacier par une nuit froide d’avril.
Une suite d’événements qui mènent au silence.
Sur Netflix, nouvellement abonnée (voilà que le nom de cette compagnie s’invite dans mes textes, mes conversations maintenant) apparaît le film Into the wild. Ce film, je l’ai vu et puis revu à l’époque cégepienne, relate l’histoire véridique de Chris, un jeune diplômé universitaire, qui comme Thoreau, décide de quitter la violence d’une vie familiale et d’un capitalisme oppressant pour vivre plus simplement et vivre son rêve de solitude en forêt. Seulement, l’histoire tourne à la dérive vers la fin, empoisonnement, perte de nourriture (parce que novice en chasse), fonte accrue de la neige et rivière débordante. Ce film, cette histoire, se conserve au cœur pour sa beauté, son tragique. Quand on connaît l’histoire de Chris ou Alexander Supertramp (son pseudonyme), on sait l’inévitable, on l’écoute, avec dans l’âme un désir que les choses surviennent autrement. Même l’inévitable conserve une dose d’espoir. Mais est-ce pour autant que s’éteint l’émerveillement susciter par ces scènes où brillent les yeux curieux du jeune homme face à la beauté incroyable du monde qu’il découvre, suivant une route qu’il ne connaît pas d’avance, peuplée de rencontres, d’essais et d’erreurs ? Cette curiosité, ce goût du risque, de ces aventures, où l’on s’empêtre presque à regard clos munie de cette pulsion de vivre, vaut-elle la peine ? Suivre un banc de poissons, vaut-il la peine ? Accepter le courant, même lorsqu’il est contre nos muscles, comme un vent féroce qui demande de faire demi-tour ...
Serais-tu, jeune baleine inexpérimentée, l’alter-égo d’Alex ?
Je t’écris, puisque pour te faire exister et perdurer, il te faut une histoire, commune et collective, il faut d’abord t’offrir un sens, soit émotif, soit écologique, soit autre. Je repense et revois ces sourires que tu as provoqué, mais aussi les larmes et les colères, les inquiétudes surtout, comme une enfant perdue que l’on regarde chercher sa maison. Non, tu ne souhaitais pas jouer la tête d’affiche de spectacles en boucle. Le spectacle est création de l’Homme. Sublimer, sortir du réel, cathartiser sa vie par celles des autres, fictives bien sûr, augmentées. L’animal, lui, l’animal autre que l’Homme, crée sans intention, crée pour sa survie. Tu survivais devant nos yeux éblouis. Transcendant ces peurs et ces manques occasionnés par les derniers mois. N’êtes-vous pas, la pandémie et toi, les résultats de nos enchaînements de dégringolades sans mesures, ces désirs impossibles à satisfaire ? À désirer, ce qui au final, ne comble que le superflu de nos existences ?
Alex, Alex, Alex, prenant la route en solitaire, tu es venue explorer ce monde qu’aucune autre de ton espèce n’avait visité depuis longtemps. Cette part du fleuve dont l’Homme s’est fait maître depuis longtemps. Il n’y a que les glaces, mobiles, l’hiver, qui dérivent doucement s’offrant en tableau monochrome.
Aujourd’hui, même de loin, même sans t’avoir vu de mes yeux vus, ta présence et ton absence résonnent en nos consciences et en nos cœurs. Toutes, tous, s’exclament de peine, d’incompréhension, de colère, de déception. Mais pourquoi ?
Comme je te sais ma sœur, en marchant contre la mer qui fait rage, cette mer qui nous a toutes, tous porté un jour. Je parcours la rive, ce parfum d’algues, de sel et de carcasses de crustacés éventrées sur le sable par les marées ou les oiseaux et je te reconnais. Je te salut. Je te parle.
Accompagne-moi.
Si je ne parle pas ta langue de musique, je te cherche sous ce qui n’a pas de mot pour dire, ce qui ne porte pas le poids des sens littéraux. Je te parle à travers ce qu’il me reste, la poésie, le cœur, le souffle. De ces lieux où tu nages vers chez toi, où tu sautes par bonheur et où tu nais encore et meurs encore. Viens me rencontrer en rêve, comme une lune pleine. Je t’accueillerai.
Que nous restera-t-il de cette rencontre avec toi ? Un sens, une histoire, une anecdote, un malaise ?
Ce que je fais, c’est te marquer ici. C’est peu, mais ça t’offre une place bien à toi. Je t’offre une marque, comme une amie, un passage, une visite, comme le survenant. Voilà une rencontre, un bouleversement, un espoir de changement et une marque.
Aujourd’hui, parce que tire ta fin, je te porte comme une amie.
Une autre vie. Une autre fin.
J’ai envie de lui rendre hommage, de sortir des zones sécuritaires de mon journal personnel, en y allant de ce que je ressens, suivant le courant de ma conscience.
Lorsque sur les réseaux sociaux, j’ai lu que tu avais quitté Montréal, je me suis dit :<<voilà, elle retrouve sa route, elle rebrousse le chemin de sa mémoire. Elle remonte le cours de l’histoire, comme le font les saumons lorsque vient le temps des amours ou les fous de bassan quand ils se renouent à l’Île Bonaventure. >> Pour me convaincre, je me suis aussi dit :<< qu’était remonté, en surface, comme une douce intuition, la route vers les tiens (leurs regards, leurs chants posés sur toi), la route vers la maison.>> Et si tu avais suivi ces bancs de poissons (peut-être aussi égarés que toi), délicieuse nourriture, dépassant les kilomètres avec vigueur et appétit, comme cette envolée de fous de bassan, il y a quelques semaines, virevoltant au-dessus de la baie Saint-Hubert près de chez moi. Une première ici aussi. Et cette fin abrupte pour deux d’entre eux, à voler si bas, si près des Hommes, on rencontre le métal des camions de transport.
Comme un bateau qui rencontre un glacier par une nuit froide d’avril.
Une suite d’événements qui mènent au silence.
Sur Netflix, nouvellement abonnée (voilà que le nom de cette compagnie s’invite dans mes textes, mes conversations maintenant) apparaît le film Into the wild. Ce film, je l’ai vu et puis revu à l’époque cégepienne, relate l’histoire véridique de Chris, un jeune diplômé universitaire, qui comme Thoreau, décide de quitter la violence d’une vie familiale et d’un capitalisme oppressant pour vivre plus simplement et vivre son rêve de solitude en forêt. Seulement, l’histoire tourne à la dérive vers la fin, empoisonnement, perte de nourriture (parce que novice en chasse), fonte accrue de la neige et rivière débordante. Ce film, cette histoire, se conserve au cœur pour sa beauté, son tragique. Quand on connaît l’histoire de Chris ou Alexander Supertramp (son pseudonyme), on sait l’inévitable, on l’écoute, avec dans l’âme un désir que les choses surviennent autrement. Même l’inévitable conserve une dose d’espoir. Mais est-ce pour autant que s’éteint l’émerveillement susciter par ces scènes où brillent les yeux curieux du jeune homme face à la beauté incroyable du monde qu’il découvre, suivant une route qu’il ne connaît pas d’avance, peuplée de rencontres, d’essais et d’erreurs ? Cette curiosité, ce goût du risque, de ces aventures, où l’on s’empêtre presque à regard clos munie de cette pulsion de vivre, vaut-elle la peine ? Suivre un banc de poissons, vaut-il la peine ? Accepter le courant, même lorsqu’il est contre nos muscles, comme un vent féroce qui demande de faire demi-tour ...
Serais-tu, jeune baleine inexpérimentée, l’alter-égo d’Alex ?
Je t’écris, puisque pour te faire exister et perdurer, il te faut une histoire, commune et collective, il faut d’abord t’offrir un sens, soit émotif, soit écologique, soit autre. Je repense et revois ces sourires que tu as provoqué, mais aussi les larmes et les colères, les inquiétudes surtout, comme une enfant perdue que l’on regarde chercher sa maison. Non, tu ne souhaitais pas jouer la tête d’affiche de spectacles en boucle. Le spectacle est création de l’Homme. Sublimer, sortir du réel, cathartiser sa vie par celles des autres, fictives bien sûr, augmentées. L’animal, lui, l’animal autre que l’Homme, crée sans intention, crée pour sa survie. Tu survivais devant nos yeux éblouis. Transcendant ces peurs et ces manques occasionnés par les derniers mois. N’êtes-vous pas, la pandémie et toi, les résultats de nos enchaînements de dégringolades sans mesures, ces désirs impossibles à satisfaire ? À désirer, ce qui au final, ne comble que le superflu de nos existences ?
Alex, Alex, Alex, prenant la route en solitaire, tu es venue explorer ce monde qu’aucune autre de ton espèce n’avait visité depuis longtemps. Cette part du fleuve dont l’Homme s’est fait maître depuis longtemps. Il n’y a que les glaces, mobiles, l’hiver, qui dérivent doucement s’offrant en tableau monochrome.
Aujourd’hui, même de loin, même sans t’avoir vu de mes yeux vus, ta présence et ton absence résonnent en nos consciences et en nos cœurs. Toutes, tous, s’exclament de peine, d’incompréhension, de colère, de déception. Mais pourquoi ?
Comme je te sais ma sœur, en marchant contre la mer qui fait rage, cette mer qui nous a toutes, tous porté un jour. Je parcours la rive, ce parfum d’algues, de sel et de carcasses de crustacés éventrées sur le sable par les marées ou les oiseaux et je te reconnais. Je te salut. Je te parle.
Accompagne-moi.
Si je ne parle pas ta langue de musique, je te cherche sous ce qui n’a pas de mot pour dire, ce qui ne porte pas le poids des sens littéraux. Je te parle à travers ce qu’il me reste, la poésie, le cœur, le souffle. De ces lieux où tu nages vers chez toi, où tu sautes par bonheur et où tu nais encore et meurs encore. Viens me rencontrer en rêve, comme une lune pleine. Je t’accueillerai.
Que nous restera-t-il de cette rencontre avec toi ? Un sens, une histoire, une anecdote, un malaise ?
Ce que je fais, c’est te marquer ici. C’est peu, mais ça t’offre une place bien à toi. Je t’offre une marque, comme une amie, un passage, une visite, comme le survenant. Voilà une rencontre, un bouleversement, un espoir de changement et une marque.
Aujourd’hui, parce que tire ta fin, je te porte comme une amie.